Extrait de « Maintenant » (éd. Hachette Littératures), série d'entretiens avec Marie-Françoise Colombani
Vous dites souvent que chacun doit être « acteur de sa propre vie ». Qu'est-ce que cela signifie ?
Cela part d'un constat : la plus grande injustice, aujourd'hui, est entre ceux qui subissent leur vie et ceux qui ont les moyens de leur liberté, qui ont une marge de manoeuvre.
Cela veut dire que le but, ce n'est pas l'assistanat, qui humilie et décourage, mais la responsabilité individuelle, le pouvoir de conduire sa vie, de faire ses propres choix, donc de répondre de ses actes.
Pour que cette possibilité ne reste pas le privilège de quelques-uns – ceux qui ont la sécurité financière, ceux qui ont les relations –, mais devienne le droit effectif de tous, même de ceux qui ont un accident de parcours, il faut lier solidement la responsabilité personnelle et les solidarités collectives. Il faut des filets de sécurité qui permettent de garder ou de reprendre le contrôle de sa vie. La responsabilité sans la solidarité, c'est la société du chacun pour soi, c'est la loi du plus fort, du plus riche ; c'est cette idéologie qui veut que les pauvres soient coupables de leur pauvreté et qui se désintéresse des conditions qui permettent à chacun d'être vraiment responsable de lui-même. Et la solidarité sans la responsabilité, c'est l'assistanat, c'est-à-dire une façon d'aider qui n'aide pas à maîtriser le cours de sa vie mais, au contraire, enfonce dans la dépendance et la passivité. Ce n'est pas une solidarité vraie. Moi, je refuse avec autant de force l'abandon et le laxisme qui, l'un comme l'autre, privent les individus de leur dignité, de leur liberté, de leur capacité d'initiative.
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